Revirement de jurisprudence

Déficit fonctionnel permanent et rente accident du travail :

Dans deux arrêts rendus le 20 janvier 2023 et pour l’occasion en assemblée plénière, la Cour de Cassation a opéré un important revirement jurisprudentiel en faveur des victimes d’accident de travail impliquant une faute de l’employeur et plus largement un tiers.

Dans ces deux affaires, la Cour de Cassation est venue préciser que la rente prévue par le code de la sécurité sociale, versée aux victimes de maladie professionnelle ou d’accident du travail en cas de faute inexcusable de l’employeur ne couvrait pas les souffrances physiques et morales endurées par le malade après la « consolidation ».

La Haute Juridiction a ainsi rappelé que « le Conseil d’Etat juge de façon constante qu’eu égard à sa finalité de réparation d’une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d’incapacité permanente défini à l’article L. 434-2 du même code, la rente d’accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l’accident, c‘est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité » (CE, section, avis, 8 mars 2013, n° 361273, publié au Recueil Lebon ; CE, 23 décembre 2015, n° 374628 ; CE, 18 octobre 2017, n° 404065)

La rente accident du travail a uniquement pour objet exclusif de réparer les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle

Il s’en suit que pour la Cour de Cassation, « la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent« .

Les souffrances physiques et morales prévue à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale après « consolidation » constituent donc un préjudice personnel qui peut être réparé de façon spécifique.

Ces décisions sont à saluer et auront, nous en sommes certains, d’importantes répercussions pour l’avenir de l’indemnisation des victimes d’accidents.

En effet, dans le cadre d’accidents de trajet par exemple, les tiers payeurs ne pourront plus imputer sur le poste déficit fonctionnel permanent, un éventuel reliquat.

Pour rappel, selon l’article L. 454-1 du Code de la sécurité sociale « Si la lésion dont est atteint l’assuré social est imputable à une personne autre que l’employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du présent livre.« 

En application de ce texte, une victime d’accident de la circulation se rendant à son travail, peut tout à fait solliciter une indemnisation complémentaire sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

Reste que jusqu’à présent, il était retenu que devait s’appliquer une imputation en cascade de la rente accident du travail (Civ. 2, 16 juillet 2020, n° 19-16.042).

Il était alors retenu par la Cour de Cassation qu’en l’absence de pertes de gains professionnels ou d’incidence professionnelle, cette rente indemnisait nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.

Reste qu’il est désormais affirmé que la rente prévue à l’article ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

A l’avenir, ce poste pourra donc être sollicité en sus de la rente versée et ce, sans qu’aucune imputation ne puisse intervenir au titre d’une éventuelle créance émise par un tiers payeurs.

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